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Témoignage de Sabine Champion, patiente du mélanome

Testimonial Sabine - melanoma
Un blog par Sabine Champion, une patiente de stade 4, une plaideuse de patients et la coordinatrice de l’Association MelanomeFrance.

Qui suis-je?

Je fêterais mes 45 ans dans quelques jours et de surcroît sur une île que l’on dit paradisiaque: La Corse! Mais la vie en a décidé autrement, puisqu’une hémorragie cérébrale me cloue littéralement sur mon fauteuil de bureau. Un diagnostic de mélanome métastatique de stade 4 avancé m’est annoncé. Alors tout s’efface en un claquement de doigts! Un mur se dresse devant moi et stop tout en une fraction de seconde, les images de ma vie se mettent à défiler.

La maladie m’a envahie et je dois décider de signer un protocole, prendre des traitements dont les effets secondaires sont répertoriés en une liste impressionnante! J’ai deux alternatives, mourir ou vivre peut-être, avec de la souffrance due aux traitements!

Ici le dilemme n’était pas trop difficile à départager mais c’était pour moi la première leçon de survie. Il aura suffi d’un saignement pour que ma vie de femme épanouie, se transforme en celle d’un petit cobaye ignorant rendu a l’hopital tous les 15 jours. On oublie même mon nom! «Vous êtes Madame...?» ,«Ah oui c’est vrai... » , «Vous êtes?» «Ah oui, venez...» 

Mais ce n’est pas grave…

Je suis comme un pion sur un échiquier et je dois absolument me battre et remporter la partie. Il me faut m’en convaincre pour rassurer mes proches. Je sais qu’ils ont peur pour moi et personne d’autre que moi ne peut les aider.

L’hôpital m’a bien proposé de voir un psychologue, pour moi, mes enfants, mon mari et mes proches qui le souhaitent, mais pour cela il faut faire 140 km aller/retour et je ne suis pas autorisée à conduire, puis finalement « nous n’avons plus de psychologue à l'hôpital» m’a-t-on dit... Dommage…

Mais, ce n’est pas grave...

Le mélanome m’a ôté les contours de ma vie familiale et sociale, je dois tout reconstruire! Repartir de zéro. Comme si je n’étais plus rien, que je n’avais pas eu d'existence…

La communication avec les médecins est difficile, je ne sais pas si c’est moi qui me fais des idées ou si vraiment pour eux, être patient est synonyme d’être inculte et bête.

La surcharge de leur travail de soignants rend leur humour et leurs conversations parfois humiliants. Je crois qu’ils ne s’en rendent même plus compte. C’est pesant et triste mais je ne dis rien, j’ai peur qu’on ne me prenne plus en charge correctement si je me plains.

Mais, ce n’est pas grave…

En dehors du contexte médical, pèse les sentiments d’être rejetée, de ne plus être reconnue comme une personne avec des capacités, celles de rire, de réfléchir, de profiter de la vie, de faire abstraction de la maladie. Le sentiment de ne plus être compris.

Mais ce n’est pas grave… 

J’ai un job et des collègues que j’aime, des contacts téléphoniques divers et variés, des échanges permanents, même avec les personnes les plus énervantes de la terre me font grandir et donne un goût à ma vie, la remplissent! Puis du jour au lendemain, plus rien! C’est le flou… Un mois passe et je peux compter sur les doigts d’une seule main les collègues qui prennent de mes nouvelles... Voilà 15 ans que je suis dans cette entreprise de 400 personnes et la maladie emporte avec elle les relations.

Côté développement professionnel, mon objectif ultime était à portée de main. Tout s’est écroulé, il se dit même dans l’entreprise que je ne reviendrais jamais. Tout est tellement décevant!

Mais ce n’est pas grave…

Mon mari doit réaménager son temps de travail pour rester à la maison le plus possible... au cas ou...  il n’a plus le temps d’aller faire du sport, de se détendre. Il fait le relai entre les différents hôpitaux qui ne semblent pas savoir communiquer entre eux et surtout il m’aide au quotidien et a surmonter mes phobies qui l’ enquiquinent lui aussi mais se il sent tellement démunis quand je souffre!

Nous devons vérifier tous les papiers et comptes rendus, parce que les erreurs sont fréquentes. Parfois il faut s’adresser à l ‘hôpital, parfois au médecin traitant et parfois aux services des urgences parce que le week-end le service de l’hôpital est fermé et la détresse et les douleurs sont quand même là.

Nous devons chercher des informations sur les traitements et les effets secondaires par nous-même, il n 'existe aucun guide et j’ai besoin d’être soulagée de ses maux.

Ma condition physique, le surpoids, ne me permettent plus de faire du sport, ni même d’enfiler mes chaussures toute seule, ma morphologie se modifie à vue d’œil et je n’arrive pas à l'accepter! On me dit que perdre du poids serait mauvais signe... je ne suis pas de cet avis...

Mais ce n’est pas grave…

Depuis le diagnostic je reçois dans ma boite à lettres, des demandes de dons en pagaille pour la recherche contre le cancer, des publicités pour anticiper mes obsèques, des propositions de placements pour mettre mes enfants et mon conjoint à l’abri... au cas ou…  et j’en passe...

Je n’ai plus accès aux crédits, ma qualité de vie est dégradée, j’ai peur que les traitements s’arrêtent de fonctionner, je ne sors plus, j’ai peur du soleil,  je ne vois plus mes amis, je me sens seule malgré la présence de mon mari. Je fais au mieux pour que personne ne s’inquiète mais je suis épuisée… Moralement, physiquement... Je suis valide en invalidité à la fois, je n’ai le droit à aucune aide pour entretenir la maison et mon mari n’a que deux bras.

Mais ce n’est pas grave…

Petit à petit j’ai appris à vivre autrement avec le poids de la maladie sur mes épaules et tous les «ce n’est pas grave»,  je suis en vie!

Je ne dois pas me plaindre... C’est très difficile et il n’y a que moi qui puisse le mesurer mais d’autres n’ont pas la chance de survivre.

J’ai compris que rien ne serait plus comme avant que je devrais changer mes habitudes, réorganiser mon quotidien, m’adapter, gérer mes maux, apprendre et m’accrocher.

Maîtriser l’ascenseur émotionnel auquel je suis soumise constamment en jonglant entre bonnes et mauvaises nouvelles, tout en gardant le sourire pour ne pas sombrer ou faire sombrer.

Je souffre parfois en silence parce qu’au-delà des apparences, je dois me battre constamment et dépenser de l’énergie plus qu’un emploi à plein temps! Il faut le vivre pour le savoir.

Mais je suis heureuse parce que j’ai su donner un sens à cette malchance!

Je suis une patiente active dans son parcours de soin.

 

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Topics
Oncology
Research